« Le bio n’a rien inventé du tout »; interview d’Hubert par le quotidien « Le soir »

BIEZ. Avant la Semaine bio, visite à la ferme modèle du Petit Sart. L’exploitant se dit soulagé suite aux «agressions» chimiques vécues. Une haie végétale sera-t-elle la solution?
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A gauche, une parcelle bio, à droite une culturelle traditionnelle. Au milieu, une bande qu’attend Hubert del Marmol, où va pousser le miscanthus qui peut atteindre quatre mètres de haut… ©J.-P. D.V.
ENTRETIEN

On vient visiter l’exploitation du monde entier. La ferme bio pédagogique du Petit Sart est, en effet, une des fermes modèles en Europe, qui sert même en quelque sorte de couveuse pour des jeunes maraîchers qui désirent se lancer dans le secteur. Un îlot de 17 hectares qui commence à faire des petits en Brabant wallon. Entretien avec Hubert del Marmol, reconverti au bio depuis cinq ans, après cinq autres années dans l’agriculture traditionnelle.

Le bio, la nouvelle vérité ?

Certains parlent même d’intégrisme ! Mais je pense que j’ai le droit au respect. Je ne pollue pas mon voisin et je demande qu’on fasse de même avec moi. Par deux fois l’an passé, j’ai été victime d’agressions chimiques en bordure de mes terres. Il me faut ainsi atteindre trois ans avant que je puisse à nouveau être reconnu bio sur ces bandes de terrain.

Une solution a été trouvée ?

L’exploitant voisin vient, sur ses terres, de semer du miscanthus géant sur une bande de quatre mètres. Il s’agit de cette fameuse herbe à éléphant qui pousse jusqu’à quatre mètres de haut et dont les fibres peuvent servir à la fabrication aussi bien de biocombustibles que de papier ou de panneaux isolants. Cela pourrait être une solution d’avenir pour favoriser la cohabitation entre les cultures bio et chimique.

Pourrait ?

La création d’un tel no man’s land est à étudier, en tout cas. D’autres utilisent des GPS qui précisent les pulvérisations au cm près. Tout ce que j’espère, c’est qu’on ne viendra pas faucher le miscanthus avant la période des incessantes pulvérisations, histoire que le paravent végétal empêche les aspersions chimiques. Et, enfin, je suis soulagé. C’est une manière pour mon voisin de reconnaître mon droit à exister.

Pourquoi avez-vous décidé de passer au bio ?

Plusieurs raisons, dont le film «Nos enfants nous accuseront» et le cancer de mon frère, qui s’en est heureusement sorti. Je me suis documenté et j’ai découvert que le bio, ou la culture qui n’utilise que des engrais organiques, cela allait bien plus loin que le simple fait de respecter la nature.

Comment cela ?

Cela permet d’une part de lutter contre la désertification des campagnes puisqu’il faut disposer d’une main-d’œuvre plus importante, moins qualifiée – 8,5 équivalents temps plein l’an passé pour ce qui me concerne. D’autre part, le bio permet de préserver les nappes phréatiques, d’amplifier la biodiversité, d’agir efficacement sur la santé et la sécurité sociale… Sans oublier que le bio n’a rien inventé du tout. Avant la Seconde Guerre mondiale, c’était la norme partout !

Votre exemple est-il suivi ?

Je travaille dans le bio sans prétention, juste conscient que c’est bon pour la terre, même si c’est plus compliqué. Mais c’est rentable, à condition de plus se diversifier. Et oui, d’autres agriculteurs s’y mettent. L’Europe impose d’ailleurs que 20 % des cultures soient biologiques d’ici 2020, avec amendes à la clé. Certains pays y sont déjà…

A la veille de la Semaine bio, qu’attendez-vous ?

Je précise qu’il n’y aura pas de portes ouvertes cette année. L’an passé, j’ai eu 500 visiteurs. Complètement débordé alors qu’il ne faisait même pas beau ! Mais j’attends surtout du public une évolution des mentalités. Sur 100 % du bio vendu en Belgique, seuls 20 % sont issus de nos terres. A quoi sert-il d’acheter des haricots bios du Kenya ? Pense-t-on seulement à l’empreinte carbone?

JEAN-PHILIPPE DE VOGELAERE
Le soir du vendredi 6 juin 2014
Mis en ligne vendredi 6 juin 2014, 8h53

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